D5. Ferme Cousin-Duparc

« La Hérondière » et « Les Marronniers »

    La ferme que nous allons appeler « Maladrerie abc », d’une contenance de 7ha 61a 40ca, n’était qu’une petite partie d’un grand domaine qui avait appartenu longtemps à la famille Hantier avant d’entrer dans le patrimoine Hauguel en 1741. Les aveux du comté de Tancarville nous fournissent d’intéressantes informations sur le passé de ce domaine.

    Le 5 mars 1551 [1], Jacques Hantier, demeurant à St Romain, rend aveu d’ « une pièce de terre nommée  la Hérondière ainsi édiffiée de maisons et plantée d’arbres... »  contenant 20 acres 3 vergées (soit près de 12 hectares) bornée d’un côté les hoirs de Jean Bocquet (voir « A1. Domaine Duval Dumanoir »)... d’un bout la terre de la maladrerie (voir « D6. Terres de l’hospice ») ...et d’autre bout « le chemin tendant dudit Saint-Romain aux Trois Pierres » , ce chemin semblant désigner le chemin des Damettes. Et l’acte précise que « par-dessus ladite pièce  passe une sente tendante dudit Saint-Romain aux Trois Pierres » : il s’agit d’une sente maintenant disparue qui partait de la Croix Leterq et se dirigeait vers Sotteville

    Le 2 juin 1579 [2], les mêmes parcelles sont avouées par Roger Hantier fils aîné et présomptif héritier du précédent qui affirme dans son aveu « droiture d’ancienneté et temps immémorial de colombier à pied à nourrir pigeons dont je toujours jouy et jouy encore à présent et laquelle droiture m’a été derechef confirmée et authorisée par mondit Seigneur le 25 octobre 1578 ». Qui avait obtenu ce droit de colombier ? Il ne semble pas que les Hantier aient des titres de noblesse ! Selon un feudiste de Tancarville, cet héritage faisait partie d’une « vavassorie qui fut au Jumel contenant cinquante une acres » [3], le droit de colombier étant alors peut-être antérieur aux Hantier et accordé à un nommé Jumel ?  

    Le domaine va rester plus d’un siècle dans la famille Hantier. C’est un héritage de 36a 2v 30p (plus de 20 hectares) dont fait partie la portion appelée « La Hérondière ». Il est maintenant avoué le 24 juillet 1604 [4] par Antoine Hantier fils de Roger, le 5 février 1649 [5] par Louis fils d’Antoine et le 16 octobre 1683 [6] par Louis fils de Louis.

    La filiation des anciens propriétaires va nous être présentée en détail dans l’acte de vente du 5 avril 1741 [7], acte qui va faire entrer ce domaine dans le patrimoine de la famille Hauguel :

« Demoiselles Marie, Laurence et Marie Louise Françoise Hantier filles majeures, et Discrette personne Maître Bernard Estienne Leclerc prestre habitué en l’église Notre-Dame du Havre leur neveu seul fils de feue Demoiselle Helleine Hantier demeurante en cette ville du Havre , lesdittes Damlles Hantier filles du feu Sr Jean Hantier bourgeois du Havre qui était fils d’autre jean Hantier lequel était fils puisné d’Antoine Hantier, et à cette représentation lesd. Demoiselles Hantier et le Sr Leclerc héritiers ... de Marie Louise Catherine Roussel Le Conte leur cousine qui était fille unique et seule héritière de feue Damoiselle Marie Françoise Louise Hantier ... espouse de Me Zéphirin Roussel Leconte conseiller du Roy élu en l’élection de Caudebec , laquelle Damoiselle Hantier femme Sr Roussel Le Conte était fille unique et seulle héritière du feu Sr Louis Hantier Bourgeois de Rouen qui était fils aisné et cohéritier d’autre Louis Hantier lequel estoit fils aisné et héritier dudit Antoine Hantier et led. Antoine fils de Roger qui était fils de Jacques Hantier de St Romain ... » lesquelles demoiselles Hantier et le sieur Leclerc vendent à Jean Louis Hauguel...

    Ces précieux indices recueillis dans les aveux et dans les déclarations nous autorisent à dresser la généalogie suivante :

   * Remarquons que la parrain de Marie Louise Françoise était Louis François Bocquet, propriétaire

des fermes voisines.  (Voir « A1. Domaine Bocquet-Houssaye »)

    Lors de la vente en 1741, la ferme était exploitée par Jean Bénard suivant prolongation de bail devant finir en 1743. Le nouveau propriétaire Jean Louis Hauguel, qualifié alors de marchand drapier bourgeois du Havre, sera ensuite marchand laboureur. Cette nouvelle qualification peut laisser supposer qu’il assuma lui-même l’exploitation de la ferme à la suite de Jean Bénard. Il avouera son bien le 7 mars 1761 [8] et régnera sur ce domaine pendant presque 50 ans en cumulant la fonction de capitaine général du guet de la capitainerie de Seine.

    Jean Louis Hauguel meurt le 1^er juillet 1788. Le 18 février 1789, ses biens sont partagés entre ses quatre filles. La ferme de la Maladrerie sera attribuée à sa fille Marie Madeleine  épouse de Jean Jérôme Poupel.

    Le 15 décembre 1789, Marie Madeleine Hauguel loue cette ferme pour 9 ans à Louis Caumont. Et le 28 septembre 1797 [9], elle baille à ferme « pour neuf années qui commenceront au jour de Saint Michel mil huit cent un » à Pierre Lechevalier marchand voiturier « une ferme nommée La Hérondière contenant en masure ... et en terre labourable quatorze acres ou environ ... ». Le bail prévoit qu’en cas de décès du preneur, « Marie Catherine Grisel son épouse aurait seule le droit de jouir ou continuer de jouir de l’effet du présent bail... » Or, ledit preneur est décédé avant de prendre ses fonctions le 7 octobre 1800 ! Son épouse a-t-elle bénéficié du bail ?

    Marie Madeleine Poupel meurt le 21.01.1818. Elle possède alors la ferme de la Maladrerie évaluée au cadastre à 7ha 52a 64ca, et une ferme au hameau d’enfer de 5ha 82a 41ca. (voir « H10b.Ferme Hertel »)

    Le 16 janvier 1819 [10],  le partage de ses biens va être effectué entre ses quatre filles : Marie Madeleine Elisabeth, épouse de François Nicolas Gosset, recevra le premier lot (Maladrerie a) ; Félicité Elisabeth , épouse de Pierre Philippe Latourte, recevra le deuxième lot (Maladrerie b) ; Marie Elisabeth épouse d’Amand Lefrançois se verra attribuer la ferme du Hameau d’enfer, et Henriette aura deux labours : l’un au hameau d’enfer, et l’autre à la Maladrerie (Maladrerie c)

   Le domaine de la Maladrerie va bientôt se trouver réunifié. En effet :

   Félicité Elisabeth meurt en 1827, et son mari Pierre Philippe Latourte en janvier 1829. Leur propriété (Maladrerie b) échoit aux enfants Latourte à raison d’un quart chacun.

   Le 28 juillet 1829 [11],  Madeleine Elisabeth Poupel et son mari François Nicolas Gosset vendent leur bien (Maladrerie a) à Jean Baptiste Noël , cult. à Gommerville.

   Et trois ans plus tard, le 19 mai 1832 [12], les héritiers Latourte, Antoine, Edouard et Hyacinthe épouse de Charles Tranchand, vendent aux enchères leur domaine (Jean Philippe avait vendu sa part à Antoine le 7 novembre 1829 [13]). Il sera adjugé à Jean Baptiste Noël, lequel devient alors seul propriétaire de la ferme de la Maladrerie, hormis la parcelle C165. La ferme est alors exploitée par un sieur Delamare dont le bail court jusqu’en 1834

    Jean Baptiste Noël va tenter de vendre son domaine. Le cahier des charges sera rédigé le 17 mai 1834 [14]. L’adjudicataire devra supporter la jouissance du sieur Gosset fermier d’une partie de la ferme. Le vendeur ne trouvera pas preneur ; il devra attendre encore neuf années.  La ferme de la maladrerie sera alors vendue le 18 mars 1843 [15] à Jean Frédéric Désiré Cousin-Duparc , un gros propriétaire foncier qui va ainsi faire entrer dans son patrimoine une masure édifiée d’une belle maison de maître nouvellement construite , une maison pour le fermier, d’autres batiments servant à l’exploitation et des terres de labour, le tout pour un total de 6 ha 02 a 27 ca (il s’agit des domaines Maladrerie a et b) . Et trois ans plus tard, le 31 juillet 1846 [16], il achètera au même Noël la parcelle C 165 de 1 ha 48 a 61 ca  , parcelle que ledit Noël avait achetée à Henriette Poupel le 4 avril 1843 [17]. Cousin-Duparc réunissait ainsi les Maladrerie a, b et c.

La maison de maître

    La ferme va encore s’agrandir par les achats successifs de plusieurs parcelles :

C 163 et C 238, de 2ha 62a 30ca, à Michel Rocquelay [18] les 5 et 10 octobre 1849

C 227, 228, 232 à 237, de 1ha 57a 57ca à Félix Marin Lecroq [19] les 11 et 12 novembre 1849

C164p , de 1ha 13a 27ca, à Désirée Rose Beaufils épouse Lesueur [20] les 30 mars et 29 avril 1854 

C 239, de 92a 80ca, aux héritiers Golain [21] les 14 décembre 1858 et 13 janvier 1859

C 168 et 169, de 1ha 75a 60ca exploitées par Noël Leroux à Sénateur Baillet [22] le 24 février 1861

C 215 p, de 1ha 20a 05ca aux Dlles Delacroix [23] le 23 novembre 1861

C 147p de 1ha 61a 40ca  à Vve Hachard

C 216 et 217 de 2ha 40a exploitées par Ferdinand Massire à Emile Guillaume Leber [24] le 13 juillet 1862

   Mme Anne Jeanne Collet épouse de Jean Frédéric Désiré Cousin décède au Havre le  17.03.1864 laissant pour héritiers chacun pour moitié Mmes Gelée et Diguet ses deux filles. Mais Mme Gélée décède à Fécamp le 30 juillet 1867 laissant pour seuls héritiers ses trois enfants mineurs .

  Par son testament olographe du 30 juillet 1855, Madame Gélée laissait à son mari l’usufruit des biens immeubles.Un inventaire était indispensable. Il fut dressé à Fécamp le 28 octobre 1867 [25].  Régalons-nous un instant : on trouve dans la cave 108 bouteilles de château Margaux, 74 de Romanée, 13 de Madère, 230 de Bordeaux Pauillac, et encore 3 Chambertin, 26 Sauterne, 3 Château Yquem, 6 Château Latour, 15 Montrachet, et 33 bouteilles de fine Champagne, et du rhum, et des liqueurs variées, et du Champagne « très vieux », 670 bouteilles de Bordeaux ordinaire (un adjectif qui sonne faux dans le décor)... et j’en passe une bonne quantité. Paragraphe qui n’a rien à voir avec le sujet traité mais qui valait bien un petit détour. 

Le pavillon en l’état actuel

     Et Jean Frédéric Cousin meurt le 11 juin 1871 à St Romain, dans son Pavillon « Les Marronniers » de la ferme de la Maladrerie. Il laisse pour héritiers Mme Diguet sa fille pour moitié, et les trois mineurs Gélée ses petits enfants ensemble pour l’autre moitié . Pour pouvoir procéder au partage des biens, un inventaire après décès s’impose.  Cet inventaire, dressé le 10 juillet 1871 [26],  contient les actes de propriété qui font apparaitre un patrimoine immobilier des plus  impressionnants :

1°) dépendant de la communauté d’acquêts Cousin-Collet

1 à 4 : 4 maisons au Havre

5 : ferme de la Maladrerie 67a 80ca + 16 ha 00 a 42 ca = 16ha 68a 22ca (tenue par Revet)

6 : ferme à Sotteville de 5 ha 83 a 70 ca (tenue par Ternon)  Voir « E1. Ferme Coq d’épine »

7 : ferme à St Michel de 19 ha 14 a 68 ca (tenue par Aviengne)Voir «N1. Ferme Durande-  

           Hanin »                                                                                                          

8 : ferme à Oudalle de 29 ha 14 a 70 ca (tenue par Lenormand)

9 : ferme à Oudalle de 3 ha 6 a 60 ca (tenue par Vatinel)

10 : ferme à Oudalle de (tenue par Mme Baillobey)

11 : herbage à Oudalle de 19 ha 64 a

12 : cour verger à Oudalle de 34 a 10 ca

13 : ferme au Frescot de 7 ha 96 a 13 ca (tenue par André) Voir « B3. Ferme Houllemare »

14 : ferme à Gommerville et SR de 7 ha 89 a 64 ca (tenue par Lefebvre)

15 : ferme à Gommerville et SR de 9 ha 41 a 20 ca (tenue par Belloncle)

16 : ferme à Gommerville et Etainhus  de 27 ha 70 a 85 ca (tenue par Leroux)

...

23 : propriété à Paris

2°) dépendant de la succession de Mme Gélée

1 : ferme à Oudalle de 17 ha 12 a 40 ca (tenue par Pingeon)

2 : labour à St Romain de 1 ha 21 a 10 ca (tenu par Revet)

3 : maison à Paris

   Le partage des biens va être effectué le 8 juillet 1872 [27] entre  Hippolyte Gélée, époux de Marie Louise Cousin, comme tuteur de ses trois enfants mineurs (Jeanne Louise Zenaïde, Adolphe Emile, et Amélie Marie), et Jeanne Marie Cousin épouse d’Edouard Georges Diguet demeurant à Harfleur au château de la Payennière

   Le tirage au sort des lots va attribuer le domaine de la Maladrerie à Edouard Diguet-Cousin

    L’acte de partage décrit ce domaine de la manière suivante : « il se compose de 1°) Une propriété ... occupée en son vivant par M. Cousin actuellement vacante consistant en un pavillon construit en briques et colombages essentés en ardoises... remises , écuries et autres batiments ,

   Edouard Diguet meurt le 20 juin 1876 laissant ses propriétés aux mains de sa veuve Jeanne Marie Cousin.

   A partir de 1887, les deux parties citées dans l’acte de partage vont prendre leur indépendance. En effet, le 14 septembre 1887 [28] , Jeanne Cousin vend à Alexandre Charles Adolphe Parmentier demeurant à Graville le pavillon « Les Marronniers » avec ses dépendances (cadastre 156/159) , mais en gardant le reste du domaine jusqu’en 1919, date à laquelle la ferme sera acquise par ... Albert Leberquier, bien sûr.

       Le pavillon "Les Marronniers", lui, va souvent changer de propriétaire. On le trouvera dans les mains de:

        Alexandre Parmentier, à Graville.........[1887 ; 1891]

        Gaétan Sorin de Lépesse à Paris.........[1891 ; 1904]

        Edmond Lenormand au Havre .............[1904 ; 1912]

        Léon Meyer au Havre *  .....................[1912 ; 1916]

        Joseph Danon  .................................[1916 ; 1921]

        Henri Constant Camus au Havre  ........[1921 ; 1924]

        Auguste Voisin à St Romain ...............[1924 ; 1930]

        Marcel Renault rte nationale  .............[1930 ;

* Léon Meyer, une grande figure havraise. Fondateur de la Fédération Havraise des Œuvres laïques, maire du

Havre de 1919 à 1938. Député en 1923 puis sous secrétaire d’état à la marine marchande.

   Mais qui exploitait la ferme restée aux mains de la veuve Diguet ?  Peu de renseignements à ce sujet. Selon les recensements de population , il s’agirait entre autres de la famille Lebaillif

A compléter après plus ample information

Propriétaires successifs :

Exploitants successifs :