L1. Ferme Testu

    Le 26 ventose X (17 mars 1802), Louis Charles Noël et son épouse Marie Anne Barbet demeurant en la paroisse de St Michel du Haisel font donation entre vifs de leurs biens au bénéfice de leurs quatre fils Louis Jacques demeurant à St Michel, Jean Baptiste demeurant aussi à St Michel, Alexandre capitaine en garnison à Auvers et Pierre Charles Victor demeurant à Rouen [1]. Les enfants donataires auront la pleine propriété de ce jour et la jouissance depuis le premier vendémiaire précédent, à la charge pour eux de partager ces biens entre eux en portions égales.

   Les biens de Louis Noël étaient les suivants :

1) « Une ferme située en ladite commune de Saint Michel du Haisel avec extension sur celle de Cramesnil occupée par ledit Louis Jacques Noël contenant tant en masure que terre de labour environ sept hectares un tiers (treize acres ancienne mesure)»

Cette ferme est la ferme Colombel

2) « Une autre ferme située en ladite commune de Saint Michel du Haisel avec extension sur celle de La Remuée... contenant environ 10 hectares trois quarts (dix neuf acres ancienne mesure)occupée par Jean Baptiste Comont »

Cette ferme est notre ferme Testu

3) une masure à La Remuée occupée par Joseph Duval

...

    Les biens de Marie Anne Barbet étaient les suivants :

1) « une ferme située en la commune de Saint Michel du Haisel consistant en plusieurs masures ... contenant environ quatorze hectares trois quarts (vingt six acres ancienne mesure)...»

Cette ferme est la ferme Hanin

2) une ferme à St Jean d’Abbetot contenant 15ha 87a occupée par Jacques Lequesne père

3) une petite ferme à Gommerville contenant 1ha 70a occupée par Pierre Le Roy   

     Marie Anne Barbet meurt le 18 frimaire XI (9 décembre 1802) et Louis Charles le 28 germinal XII (18 avril 1804). Entre temps, conformément au voeu des donateurs, le partage des biens avait été effectué par acte sous signature privée le 11 germinal XI (1^er avril 1803) [2].  Louis Jacques, époux de Marie Françoise Vimont, avait reçu cette « ferme Testu » qui contenait alors 7ha 95a, située sur St Romain avec extension sur La Remuée, exploitée par Jean Baptiste Caumont.

    Mais avant 1802 ? Quelle était l’histoire de cette ferme ? Les bornages mentionnés dans les actes sont souvent trop succincts pour différencier cette ferme Testu avec sa voisine la ferme Colombel, toutes deux semblant avoir une extension sur La Remuée ou sur Cramesnil.

Histoire commune Testu-Colombel :

Hélas, dans ma généalogie, pas trace d’une Susanne Viger ... pour l’instant.

Mais le nom de Marie Bégin va peut-être nous permettre d’identifier l’une de ces fermes :

    Le 1^er décembre 1764 [3], « Marie Bégin vve de Pierre Dumesnil hérittière de Susanne Viger sa cousinne... » vend à Louis Noël laboureur trois acres de terre à prendre en plus grande pièce bornée par le marquis de Baqueville , ce qui semble désigner la pièce comme étant une partie de la parcelle D56.

   Le 13 mai 1766 [4], « Marie Bégin vve de Pre Dumesnil  fille et hérittière d’Olivier Bégin ... et hérittière aux propres de demoiselle Susanne Viger  sa cousinne décéddée en la ville d’Harfleur... » vend à Louis Noël laboureur les deux tiers 1) d’une petite ferme sur La Remuée et St Michel contenant 9 acres ; et 2) d’un petit héritage en maison et masure occupée par la venderesse , laquelle occupe aussi trois acres des terres, « le nommé Mallandain » fermier n’en occupant que 6 acres. L’autre tiers avait été donné le 24 novembre 1764 à Jean Cheminel son frère en lay [5]               

    L’acte précise que la ferme de 9 acres provenait de la succession « de ladite Dlle Viger et de M. Deprévier » et le petit héritage de celle d’Olivier Bégin son père.

    Le 21 décembre 1774 [6], Louis Noël « représentant par acquisition Marie Bégin lors v. Duménil » vend à discrète personne Jean Laurent François Lemaur prestre curé de Cramesnil :

1) une ferme située en la paroisse de St Michel du Haisel et par extension sur celle de La Remuée contenant environ 15 acres « faisant partie de l’occupation de Jean Leduc, n’entendant ledit sieur Noël vendre audit sieur curé neuf acres de terre faisant le surplus de ladite occupation de Leduc qui sont sur Cramesnil et sur St Michel au couchant et au-delà du chemin qui va de St Romain à Maréfosse »  (je crois comprendre que Louis Noël possède une ferme de 24 acres (13 ,62 ha) exploitée par Jean Leduc, mais qu’il ne vend au curé que 15 acres , s’en réservant 9 acres ?)

2) une masure édifiée d’une maison et d’un four contenant une acre et demie occupée par Jean Mériot

3)  Trois acres de terre en labour à prendre en plus grande pièce que Noël a acquises de Marie Bégin le 1^er décembre 1864

4) les 2/3 d’une petite ferme de 9 acres sur St Michel et La Remuée acquis de Marie Bégin le 13 mai 1766. « Ces deux derniers objets font partie d’une ferme de 12 acres  que tient de présent Pierre Malandain... » , le surplus appartenant à la fille Cheminel

Les deux premiers objets pourraient concerner la ferme Colombel  et ces deux derniers la ferme Testu ?

   Le 30 octobre 1782 [7], Louis Noël loue à Louis Pigeon pour une durée de cinq années une petite ferme à La Remuée et St Michel contenant tant en masure qu’en terre de labour environ 9 acres et déjà occupée par le preneur. Notons que le bailleur se réserve la liberté d’aller jusqu’à une marnière pour y tirer du caillou ou de la marne. Les marnières ne datent pas d’hier !

Ces 9 acres pourraient être la portion que Louis Noël n’a pas voulu vendre au curé de Cramesnil ?

    Le 7 mars 1788, Louis Noël fieffe à Charles Pitte une ferme sur La Remuée et St Michel. Et le 18 avril 1791 [8], Charles Pitte rétrocède à Louis Jacques Noël fils, laboureur demeurant à St Jean d’Abbetot, cette petite ferme de sept acres et demie qu’il avait prise à fieffe de Louis Noël père du rétrocessionnaire « lequel représentait Marie Bégin veuve de Pierre Duménil » occupée présentement par Pierre Tougard. Cette ferme était dans la mouvance des seigneurs de La Remuée.

   Un registre des baux nous enseigne que le 22 septembre 1799 [9], Louis Jacques Noël demeurant à St Jean d’Abbetot loue pour 9 ans à Jean baptiste Caumont une terre d’environ 8 acres. Il s’agit vraisemblablement de la ferme Testu.

 Beaucoup d'incertitudes dans la désignation de toutes les fermes qui viennent d'être citées.

Reprenons maintenant l’histoire de la seule ferme Testu :

                                          

          Louis Jacques Noël a donc pris possession de la ferme suite au partage effectué avec ses trois frères en 1803. Le 10 novembre 1822, il vend la parcelle D41 de 2ha 49a 90ca à Jacques Augustin Ménager cultivateur à La Cerlangue [10] ; et le 16 août 1828, il vend le reste de la ferme à Victor Emmanuel Quertier cultivateur à La Remuée. La maison et les dépendances sont occupées par le vendeur, mais les labours sont exploités par François Lebreton et Jean Delaunay, ce dernier étant fermier sur les terres de La Remuée. L’acte de vente [11] stipule que le vendeur se réserve la jouissance de la maison d’habitation jusqu’à son décès ou celui de son épouse Marie Françoise Elisabeth Vimont.

      Victor Quertier, le nouveau propriétaire, va peu à peu agrandir son domaine au moyen de trois acquisitions :

1) le 26 janvier 1852, il achète à Honoré Barthélémy Pollet  propriétaire et cultivateur à Nointot, le labour D54 contenant 71a 90ca. Le vendeur l’avait acquis le 30 janvier 1840 [12] de Guillaume Maurice qui le détenait de la succession de Jean Pollet, son aïeul maternel décédé le 29 août 1822, et suite au partage entre les cohéritiers effectué le 25 avril 1833 dont l’acte a été déposé en notariat le 14 décembre 1845 [13]

2) le 15 juillet 1854 [14], il achète la pièce D41, exploitée par Isidore Quertier, à Jacques Jacob Ménager, cultivateur à La Cerlangue, qui l’avait recueillie de la succession de son père Jacques Augustin décédé le 27 avril 1850. Nous avons vu un peu plus haut que ce dernier l’avait achetée en 1822 à Louis Jacques Noël.  

3) Et le 8 mai 1858 [15], Madame Quertier achète les parcelles D57/58 contenant 2ha 19a 98ca à Marie Zoé Duvrac. Celle-ci possédait cette terre suite au partage des biens de la succession de Jacques Philippe Duvrac son père et Marie Madeleine Sophie Fleurye sa mère laquelle en avait hérité de Guillaume Fleurye son père. (voir A6. Ferme Debray). Ce labour est exploité par Isidore Quertier fils de l’acquéreur selon bail verbal courant jusqu’en 1869.

    Après 40 années de gestion de plusieurs fermes, le 19 mai 1868 [16], Emmanuel Quertier et Marie Victoire Samson son épouse font donation entre vifs à titre de partage anticipé de leurs immeubles. Les donataires sont leurs quatre enfants vivants et les 3 enfants mineurs issus de feue Marie Victoire.

     La ferme qui nous intéresse ici, occupée par Isidore Quertier, va être attribuée à Céline Rose épouse de Guillaume Ambroise Lepicard lequel était déjà propriétaire et cultivateur au hameau d’enfer (voir H6. Ferme Jean Lecourt) . Elle se compose sur St Romain de la masure 42/52, des parcelles 41, 54, 56, 57/58, du petit chemin 56 bis, l’ensemble contenant 9ha 40a 40ca et de quatre labours sur la commune de La Remuée totalisant 4ha 36a 50ca. C’est donc un domaine de près de 14 hectares qui va être échu à Guillaume Lepicard.

          Isidore Quertier va continuer à exploiter la ferme jusqu’en 1875. A cette date, le propriétaire n’ira pas loin pour trouver un successeur : ce sera Célestin Lahalle, son voisin au hameau d’enfer,  qui laissera la ferme Bertin (voir « H4. Ferme Thérèse Bertin ») pour venir travailler sur la ferme de la vieille route. Et en 1881, nous verrons arriver Pierre Paul Cottard, le fils de Pierre Antoine Cottard qui était le fermier de la ferme Dubuc située non loin de là sur la vieille route (voir « L5.Ferme Dubuc »)

    Cottard, encore une belle famille de cultivateurs : la sœur Blanche sera l’épouse de Joseph Legay qui exploitait la ferme du château de St Michel, et la fille Germaine épousera Joseph Sampic herbager.

    Et un bel exemple des liens qui pouvaient éxister entre propriétaire et fermier : Pierre Paul Cottard avait épousé en 1885 Marie Ernestine Lebreton. L’année suivante, Ambroise Médéric Lepicard, l’un des fils du propriétaire Guillaume Lepicard, épousait Hélène Louise Lebreton sœur de Marie Ernestine. Ambroise Lepicard meurt en 1898 et Marie Ernestine en 1903. L’année suivante, le veuf Pierre Cottard épousait la veuve Hélène Lebreton sa belle sœur.

    Guillaume Lepicard meurt le 6 octobre 1885 et sa veuve seulement en 1911. Il semble qu’elle restera propriétaire de la ferme jusqu’à cette date. Selon la matrice cadastrale, c’est Henri Albert Gosselin qui en prendra possession en 1911

    Henri Gosselin, propriétaire, exploitera quelque temps la ferme. Après Marcel Lambert et Victor Trouvay, c’est Bernard et Simonne Testu qui seront les derniers fermiers.

    Et bien sûr, encore une ferme disparue ! La masure a été vendue en plusieurs lots. Selon une information que j’ai recueillie verbalement, les derniers propriétaires auraient été Monsieur et Madame Arson. Pas d’autre précision pour l’instant.

Propriétaires successifs

Exploitants successifs :