H4. Ferme Thérèse Bertin

voir d’abord « Hameau d’Enfer »

    La ferme Bertin était au centre d’un ténement tenu par la famille Colbosc depuis le 16^ème siècle, famille qui a laissé sa marque dans le nom du hameau et celui de la rue qui bordait la ferme. L’inventaire des aveux et déclarations du comté de Tancarville [1] et le terrier de l’abbaye du Valasse [2] nous dressent la liste des membres de la famille Colbosc qui ont possédé ces terres.

Plusieurs Jean Colbosc, d’abord :

* le 6 juillet 1514, Jean Leprévost « en lieu de Jean Colbosc» avoue au Valasse une terre de 4 acres.   

* Un Jean Colbosc avoue des terres en 1529, 1538, 1551, 1553, mais pas toujours le même Jean car l’aveu de 1538 concerne un « Jean fils de Jean », … ce qui ne simplifie pas les recherches ! Notons que l’aveu du 3 mars 1551 était rendu au comté de Tancarville pour 27 acres (plus de 15 hectares) en 9 pièces, ce qui représente déjà un beau domaine pour cette époque.

* En 1571, 1575 et 1579 , c’est un Nicolas Colbosc fils de Jean qui est cité.

* En 1623, on trouvera un Jean fils de Robert, un Jean fils de Nicolas, … et Charles et Guillaume, frères, et Guillaume et Nicolas, frères…

* en 1651, encore un Jean fils de Guillaume… J’abandonne ! Les lecteurs intéressés se reporteront aux document cités en référence.

* Les choses vont se clarifier à partir de 1655, date à laquelle apparaît Louis Colbosc. Il est dit fils de Jean qui était fils et héritier de Nicolas. Et c’est ce Louis Colbosc qui vendit la terre à Laurent Gournay. Celui-ci la céda à Gaspard Lenoble curé de St Laurent lequel meurt le 4 décembre 1719 laissant comme héritier son neveu Pierre Nicolas Lenoble.

   Et le 6 février 1734 , « Pierre Nicolas Lenoble escuyer seigneur de Montpoignant conseiller du Roy maître ordinaire en la cour des comptes aydes et finances de Normandie , demt à Rouen, seul héritier de Gaspard Le Noble son oncle prêtre curé de St Laurent de Brévedent … vend à François Rabier fils, capitaine de navire demt au Havre , absent représenté par Jeannevièfve  Féret son épouse… » deux fermes à St Romain tenues à ferme par Michel Marical et une à St Gilles de la Neuville. La première de 22 acres (12,48 ha) et la seconde de 6 acres (3,40 ha) toutes deux en masure et terres de labour [3]. Il s’agit des fermes Bertin et Poupel.

   En marge de l’acte de vente figure le décompte des treizièmes qui doivent être versés aux seigneuries dont les terres sont mouvantes : 414 livres au comté de Tancarville, 414 livres au prieuré du Valasse, 22 livres à la seigneurie de Rames et 34 livres à St Gilles. Hormis une petite terre à Rames, notre domaine relevait donc pour moitié de Tancarville et du Valasse .

   Le terrier du Valasse mentionne un aveu rendu Le 20 janvier 1768 par Isaac Claude Rabier fils et héritier de François Ollivier qui représentait par acquisition maître Pierre Nicolas Lenoble, escuier, héritier de Maître Jacques Lenoble son oncle, prêtre, qui représentait Laurent Gournay représentant ledit Louis Colbosc. Grâce à cet aveu, la jonction avec la famille Colbosc est opérée.

Les propriétaires de la ferme pouvaient donc être les suivants :

    La famille Rabier, que nous pouvons suivre grâce au tableau qui suit, va posséder ce domaine pendant plus d’un siècle, bel exemple de stabilité.

   Après Jean Claude Rabier , les fermes vont passer dans les mains de Pierre Claude qui va les recueillir des successions de Jean Claude son père mort le 16 décembre 1786  et de François Victor son frère décédé le 16 février 1788.

   Le 23 mai 1793, Marie Catherine Victoire Delavotte veuve d'Isaac Claude Rabier et son fils Pierre Claude Rabier louent pour 6 ans à Jean baptiste Aubry une ferme d'environ 6 acres. Il s'agit de la ferme Poupel qui n'est donc plus exploitée par le même fermier que la ferme Bertin.

   Pierre Claude meurt le 13 octobre 1830 laissant pour héritiers ses deux fils Pierre Louis et Marie Jacques Claude. Un partage effectué entre eux le 1^er mai 1831 va attribuer la « ferme Poupel » à Pierre Louis et la « ferme Bertin », d’ une contenance de 12ha 04a 60ca, à Marie Jacques Claude.

                        Après 1831 : voir séparément « Ferme Poupel »

   Marie Jacques Claude Rabier va conserver l’intégralité de la « ferme Bertin » pendant 25 ans. De 1851 à 1854, elle sera exploitée par Victor Edouard Verdier puis par sa veuve après son décès en 1854.

   En 1856, plusieurs parcelles un peu éloignées de la masure centrale vont être vendues comme on va le voir un peu plus loin. Quant au noyau de la ferme, il va se retrouver dans les mains d’Anne Charlotte Leclerc de Juigné de Lassigny, noble dame demeurant dans le Var.  

   Mais que diantre venait-elle faire dans cette galère ?

   Cette femme était issue d’une famille d’origine angevine. Louis Leclerc, écuyer et seigneur de Lassigny, né à Paris en 1618, alla s’établir en Provence. La famille se fixa à Lorgues , petite ville proche de Draguignan, en 1752. Tous les descendants y ont vu le jour, bien loin de notre pauvre hameau d’enfer. La noble famille des Leclerc de Juigné de Lassigny portait  « d’argent à une croix engrelée de gueules , bordée de sable, et cantonnée de quatre aiglettes de même, becquées et armées de gueules » [4]

   Une Varoise s’intéressant au hameau d’enfer ? Une  étude généalogique va nous aider à résoudre cette énigme: notre dame était tout bonnement la nièce par alliance de Pierre Rabier donc la cousine germaine du dernier propriétaire Marie Jacques Claude .

   Et Anne Charlotte Leclerc possédait une ferme de 14 hectares située sur la commune d’Octeville. Le 25 octobre 1856 [5], elle va céder cette ferme à son cousin et recevoir en échange la ferme Bertin de huit hectares et demi.

   Propriétaire pendant seulement dix jours car le 6 novembre 1856 [6] , elle vend son bien à Caroline Ernestine d’Harnois de Blangues veuve de Louis Pascal Maheult demeurant à Rouen. Toujours du « beau monde » !

*  Virginie Le Poittevin (ou Le Poitevin) était la sœur de Laure Le Poittevin mère  de notre célèbre Cauchois

    Guy de Maupassant.

   L’acte de vente désigne l’objet vendu comme étant , « un corps de ferme… composé d’une masure plantée et bâtie et de terre de labour le tout d’un seul tenant contenant 8ha 40a 50ca d’après les titres mais 7ha 50a 20ca d’après le cadastre … présentement exploitée par la dame Veuve Verdier avec des terres qui en dépendaient tout dernièrement et qui s’en trouvent aujourd’hui distraites ».  Dans cette tractation, Caroline d’harnois agissait pour le compte de son fils mineur  Marie Pascal Robert Maheult, se réservant toutefois la moitié de l’ usufruit durant sa vie.

   Le même jour, au même notariat [7], Marie Jacques Claude Rabier vendait

- au mineur Maheult la pièce de terre cadastrée C 455 contenant 40 ares

- à Aimable Emmanuel Angammare un labour de 69a 02ca (C 659p) situé entre le chemin de

            St Romain aux Trois Pierres et la route impériale du Havre à Paris

- à Emile Hippolyte Collet un labour de 39a 60ca cadastré C 173/174

   Autres transactions effectuées par le sieur Rabier connues grâce à la matrice cadastrale :

- à Pierre Breton de La Remuée les parcelles 355 et 356 totalisant 1ha 78a 80 ca

- à Marie Rose Legros épouse de Pierre Masset les parcelles 359 et 360 totalisant 56a 80ca

- à Louis Félix Martel sous la tutelle d’Adrien Rousselin une terre (C 456) de 81a 20ca

- enfin, à Michel Leroy de St Antoine la parcelle C 635 de 58a

   A la requête du nouveau propriétaire Mr Beaugrand, deuxième époux de Caroline Ernestine d’Harnois, un procès verbal d’abornement va être dressé le 22 octobre 1860 par l’agent voyer, auquel sera joint le plan suivant

Copie certifiée conforme du 27 août 1926 

                                                                                          (ADSM ; 2^E 90/69 ; notariat Bréauté)

   Ce plan est intitulé « plan géométrique de la propriété appartenant à Mr Beaugrand occupée par Mr Aubert sise en la commune de St Romain pour être joint au procès verbal d’abornement des 22.10.1860 et 18.10.1861 » L’arpentage donne un hectare de plus que le cadastre : 8ha 55a 10ca. On y apprend que le fermier est alors Hilaire Aubert, frère de Pierre Aubert qui exploitait la grande ferme du château de St Michel. Il sera remplacé par son beau-frère Célestin Lahalle.

   La ferme et le labour de 40 ares vont changer de mains le 1^er mars 1872 [8] : Jacques Julien Théophile Beaugrand et Caroline Ernestine d’Harnois de Blangues son épouse, demeurant à Paris , et Marie Pascal Robert Maheult demeurant aussi à Paris, vendent à Jérôme Guillaume Letellier demeurant à Bolbec la ferme et le labour cités ci-dessus, le tout exploité par Mr Lahalle

      Jérôme Guillaume Letellier meurt le 7 juillet 1896 laissant comme héritiers chacun pour un tiers ses trois enfants : Alexandre Jérôme, Blanche Emma veuve d’Auguste Charles Vesprier et Marie Victoire épouse d’Edmond Hélie.

   Alexandre Jérôme Letellier meurt peu après, le 9 septembre 1896 laissant pour héritières chacune pour moitié les dames Vesprier et Hélie ses sœurs, lesquelles vont se débarrasser du labour C 455 un peu lointain : il sera vendu à Eugène Auguste Haquet le 3 octobre 1896.

Le 20 avril 1898 [9], lors de la liquidation  et partage des successions de leur père et de leur frère entre mesdames Vesprier et Hélie, la ferme qui nous intéresse sera attribuée à Madame Hélie

   Edmond Hélie meurt à Beuzevillette le 8 février 1933, et son épouse Marie Victoire Letellier à Raffetot le 29 décembre 1941. Ils laissent comme héritiers leurs trois enfants chacun pour un tiers : Edmond Jérôme cultivateur à Raffetot, Marthe Marie Victoire  et Jeanne Bernadette épouse de Raymond Jourdain. Le partage effectué au notariat Simon à Bolbec [10] le 25 avril 1944 va attribuer la ferme à Marthe Hélie.

   Le 8 novembre 1971, Marthe Marie Victoire Hélie met la ferme en vente par adjudication. Elle est donnée pour une contenance de 8ha 55a 10ca d’après le bornage de 1856, et elle est louée à Paul Antoine Bertin depuis 1946 (notariat Simon à Bolbec les 11 février et 18 mars 1946). Elle est adjugée à Rémy Edouard Joseph Nordet de St Vincent, mais le 12 novembre 1971, Paul Antoine Bertin utilise son droit de préemption pour devenir l’adjudicataire en place de Mr Nordet [11].

   Le 26 décembre 1980, Paul Bertin donnera à bail la ferme à Thérèse Bertin pour  9 années.

Propriétaires successifs (après 1768) :

Exploitants successifs :