B6. Ferme du Haumare

   Le 18 octobre 1720, Charles Laurent Léger chirurgien demeurant à Rouen vend à Charles Michel Baillard escuier sieur du Courant demeurant ordinairement sur sa terre du Courant paroisse d’Illeville-sur-Montfort  deux héritages scis sur les paroisses de Saint-Romain et de Gommerville [1]   Ces objets consistent en une ferme à Saint-Romain de 74 acres (environ 42 hectares) tenue à ferme par Henri Noël - c’est la ferme du Haumare - , et une autre  ferme à Gommerville de 14 acres (environ 7ha 95a) pour une somme totale de 45 300 livres.

    Cinquante hectares à cette époque représentaient un important patrimoine. Et les terres qui le composaient ne sont pas faciles à identifier car elles relevaient de quatre seigneuries différentes. A qui verser les rentes seigneuriales, chaque seigneur revendiquant son droit ? A la demande de l’acquéreur, une sentence [2] datée du 7 octobre 1728 va résoudre ce problème ; la sentence prescrit que :

* le Duc de Luxembourg comte de Tancarville en possède 25 acres.

* Madame de Montholon dame de Gromesnil et Beaucamp 6 acres 2 vergées

* Monsieur de Cramesnil Seigneur du fief de Cramesnil 14 acres

* Monsieur le Marquis de Panneville Seigneur du fief et manoir de Haumare 42 acres 2 vergées. (La commune de Panneville se trouvait dans le bailliage de Caudebec) . C’est donc le Seigneur du fief de Haumare qui en possédait la plus grande partie, … d’où le nom qui est resté attaché à cette ferme.

   Quelles traces avons-nous du passé de ces domaines ?

   Le 6 mai 1559, Robert Thirel, escuier, licencié en lois, lieutenant général de Mr le Vicomte d’Aulge, avouait 5 acres et demie (environ 31212 ca) en trois pièces dont l’une est un enclos de 2a 1v qui fut à Pierre Lesens écuyer avocat en parlement. Peu de chose eu égard à l’importance du domaine de Haumare. Marguerite Thirel, fille de Robert, épouse de M. de Cusson puis du baron de Rebays, héritera de la ferme.

   Plus intéressants sont les aveux concernant les 25 acres relevant du comté de Tancarville :  le 6 août 1656 [3] elles sont avouées par Charles Léger, fils et héritier du Sieur Adrien Léger lieutenant criminel en l’élection de Caudebec, lequel représentait par échange [4] la dame Marguerite Thirel alors veuve du Sieur de Cusson. Ces 25 acres se répartissaient en 4 pièces :

1^ère pièce de 3a 2v (environ 19682 ca)

2^ème pièce de 12 acres (environ 68100 ca) « faisant partie d’une pièce de 19 acres » ; elle est bornée par le chemin tendant à Etainhus. Il s’agit probablement de la parcelle cadastrée 256 contenant 68670 ca, les 7 autres acres (environ 39725 ca) pouvant représenter la parcelle 254 de 50870 ca ?

3^ème pièce de 3a 2v

4^ème pièce de 6a (environ 34050 ca)

   Ce même domaine est avoué le 9 février 1731 par Charles Michel Baillard, « chevallier seigneur du Courant, d’Orival, des Gâtines, du Mont Bucquet de Haumare, patron honoraire d’Illeville sur Montfort, seigneur du vieil manoir et de Berville représentant par acquisition Charles Laurent Léger chirurgien à Rouen héritier de Guillaume Léger son oncle qui était fils et héritier de Charles fils d’Adrien... »

    Après Charles Michel Baillard ... un grand vide dans mes archives. Seulement quelques documents épars.

    Ainsi, le 4 mars 1766 [5], le notaire Louis Dubois allait dresser l’inventaire après décès de Michel Cuillier : « ...sommes exprès transportés sur une ferme appartenant à M. Ducourant de Rivel (sans doute Du Courant d’Orival) qu’occupait et faisait valoir ledit feu Michel Cuillier... ». Ce Du Courant, toujours Charles Michel Baillard ? ou un descendant ? Parmi les écritures relevées dans l’inventaire figure « une continuation de bail de ladite ferme qu’occupait ledit Cuillier pour six années à commencer de St Michel 1764 ... », les conditions étant énoncées dans l’acte du 2 octobre 1760. Michel Cuillier avait donc exploité cette ferme au moins  de 1760 à 1766.

    Le registre du conseil municipal de Saint Romain nous indique que le domaine était toujours dans les mains de la famille Baillard en 1793 :

        Et nous apprenons aussi que la ferme était alors exploitée par Pierre Fossard.

 Il semble donc que les propriétaires furent les suivants :

    Avant de poursuivre, je voudrais mentionner un document de 1753 qui me laisse perplèxe : le 29 novembre 1753, Robert Preudhomme se transporte « en la paroisse de Gromesnil sur une ferme et héritage apartenant à la succession  dud(it) Sr Lemercier père et où il est décédé » pour dresser l’inventaire après décès [6]. Le défunt, Charles Lemercier, est propriétaire de ce domaine que nous appellerons « Ferme Prosper Debray ». Quel rapport avec la ferme du Haumare ? Pourtant, parmi les écritures inventoriées se trouve « un bail fait par Charles Michel Baillard escuier Seig(neu)r Du courant  aud(it) feu Sr Le Mercier , d’une ferme et terre assis aud(it) St Romain de Collebosc ... datté du vingt sept de décembre mil sept cent trente » et « une quittance généralle en faveur dud(it) feu Sieur Lemercier de touttes les jouissances qu’il avait  eues de lad(ite) ferme et héritage ... lad(ite) quittance généralle portant datte du vingt un janvier mil sept cent quarante un ». Charles Lemercier, propriétaire d’une belle ferme à Gromesnil, aurait donc été le fermier de ce domaine du Haumare, peut-être pour 9 années  de 1731 à 1740 ?

   Trois petits renseignements vont nous permettre de deviner l'histoire de cette période:   

1) Le registre des actes d’enregistrement [7] nous apprend que le 25 septembre 1797 "Lanquetuit" a acheté à "Baillard" une ferme à St Romain par acte passé chez Liard au Havre.

2) Le registre des baux [8]  mentionne un bail dressé chez Biot à Caudebec le 17 décembre 1798, bail consenti par Adrien Lanquetuit à Tranquille Vason pour une durée de huit années. (Pas d’autre précision, les archives de ces deux notariats ayant hélas été détruites lors de la dernière guerre. )

3) Et vers 1825, le cadastre napoléonien attribue notre ferme à Jean Baptiste Manoury de Bretteville.

     Une fois de plus, c'est une recherche généalogique qui va nous ouvrir les yeux sur le passé de notre ferme, passé que nous pouvons retracer de la manière suivante:

    Le 25 septembre 1797, Madeleine Henriette Célestine Mélanie Baillard vend la ferme à Adrien Lanquetuit . A la mort de ce dernier, la ferme passe dans les mains de Jean Baptiste Manoury époux de Marie Anne fille et héritière d’Adrien Lanquetuit.

    Jean Manoury possède alors une belle ferme qui contient 31ha 43a 50ca. Elle s’agrandira des parcelles 277 et 278 qui étaient propriété de Jacques Philippe Acher, lequel les avait acquises de la famille de Beschard. C’est maintenant un domaine de 33ha 43a 80ca.

   La matrice cadastrale mentionne, sous le même numéro de cadastre,  Jean Manoury à Bretteville, puis Gustave Adolphe Leseigneur puis Dame Hauville née Leseigneur pour 1905. La ferme a donc dû rester dans la même famille, ce que nous allons découvrir au moyen des recherches généalogiques :

    Jean Manoury meurt le 19 novembre 1837 et son épouse le 8 janvier 1844. Vraisemblablement, la ferme passa aux mains de leur fille Rose Marie Anne épouse de Charles Antoine Leseigneur.  On peut alors supposer qu’elle fut ensuite transmise de père en fils à Adolphe Gustave décédé en 1862, puis à Adolphe Léon décédé en 1893 pour arriver alors chez Louise Henriette épouse de Joseph Hauville.

   En 1912, la ferme va être mise en adjudication [9] : à la requête de Joseph Henri Hauville, en son nom et comme tuteur des enfants mineurs, un cahier des charges va être dressé le 28 octobre 1912 par Me Jacquot avoué au Havre. La ferme  sera acquise par Léon Gaston Paumelle et son épouse Marie Louise Lechevallier.

   Madame Paumelle meurt au Havre le 18 novembre 1921 laissant comme héritiers son époux et Madame Barriaux sa fille unique. Un acte de liquidation partage, dressé le 8 juillet 1925 par Me Maujean notaire à Criquetot, attribue la ferme en toute propriété à Léon Paumelle. 

   Enfin, Léon Paumelle meurt au Havre le 20 janvier 1948 laissant pour seule héritière sa fille Madame Barriaux

Propriétaires après 1825:

Exploitants :

* Guillaume Ambroise père était fermier au hameau d’enfer (voir ferme Jean Lecourt)

** Guillaume Ambroise fils était fermier au quartier de la chapelle (voir ferme Lepicard-Latteur)

*** Edouard était fermier sur la ferme des Lombards (voir ferme des lombards)