Q1. Ferme Prosper Debray

            La plus ancienne trace que je possède concernant le domaine qui nous intéresse, est un aveu daté du 21 juillet 1525 rendu par Guillaume Frémont pour neuf acres de terre (un peu plus de 5 ha) en deux pièces assises en ladite parroisse de Grosmesnil... » [1]. Ces deux pièces sont assez bien désignées :

                                  « La première pièce lad masure playne bournée des

                                   deux costés led. Fromont  d’ung bout la chaussée

                                   et d’aultre bout les hoirs du s(ieu)r de Grosmesnil

                                   La seconde et dernière pièce bournée d’ung costé et d’ung bout

                                   led. s(ieu)r de Grosmesnil d’aultre costé le rue qui mayne

                                   de l’église dud. Grosmesnil à la chaussée et d’aultre

                                   bout à lad. chaussée  ... »

    L’aveu de Guillaume Frémont précise les droits qui devront être versés au Duc de Longueville, Comte de Tancarville :  «  pour tout l’an trois boisseaux et une quarte de bled, vingt six boisseaux d’avoine et treize boisseaux de braize ... deux solz trois deniers tournois, plus pour le débannaige desd(ites) Neuf acres de terre au terme de Toussainctz dix solz tournois et au terme de Nouel un chappon et est subjet led(it) Fromont ayder apporter la cuisine de Monseigneur au chasteau quant il y est »

   Une copie de l’aveu de 1525 porte en mention marginale « maintenant Alexis Lemercier ». En effet, après Canouville et Frémont, c’est la famille Lemercier qui va régner sur ce domaine pendant  plus d’un siècle et demi.

    Né vers 1660, Alexis aura comme fils aîné Charles Alexis, né à St Romain en 1681 (et non à Gromesnil ce qui semble indiquer que la famille n’habitait pas encore la masure à cette date ). Sa soeur Marie Elisabeth naîtra aussi à St Romain, en mai 1683, alors que l’enfant suivant, Marguerite Thérèse, sera native de Gromesnil en novembre 1684. On pourrait alors penser que vraisemblablement, c’est  en 1684 que les Lemercier s’installèrent dans la masure dont il est question. Hélas, d’autres enfants vont naître... toujours à Saint-Romain : Anne Marguerite en 1686, Marie Anne en 1689, Anne en 1690, Louis Alexis en 1692. Par contre, les douze  enfants de Charles Alexis naîtront à Gromesnil de 1722 à 1740

   Un autre aveu concerne une parcelle qui était dans la mouvance de St Georges de Boscherville. Dans un inventaire des actes de ce prieuré [2], on peut lire  « Le Sr Alexis Le Mercier au droit de ses enfans herittiers de Jacques Abraham Dubusc au lieu du Sieur Vimont qui représentait Guillaume Frémont dont aveu du 20 juin 1596... » Cet aveu concerne une masure de deux acres et demie (environ 1ha 42a) bornée d’un côté et d’un bout les représentants de Robert de Gromesnil, d’autre côté les représentants Frémont et d’autre bout la sente de St Romain à Beaucamp.

    Le 4 mai 1732 [3], Charles Alexis Lemercier, fils aîné d’Alexis, « seul et unique héritier du feu Sr Abraham Dubusc son oncle maternel », vend à Me Charles Mésenguel, conseiller du roi et vicomte de Montivilliers, cinq acres de terre en labour tenues par un nommé Fauquet.  Charles Alexis était brigadier de la maréchaussée à Saint Romain. Il meurt à Gromesnil le 15 novembre 1753, qualifié aussi de laboureur, et le 29 du même mois, un inventaire après décès nous confirme qu’il était bien l’exploitant de la ferme [4]. 

« Cejourd’huy ... nous Robert Prudhomme notaire..., en la présence et de la réquisition du Sr Charles Lemercier fils ainé et principal héritier de la succession du feu Sr Charles Lemercier, somme exprest transporté en la paroisse de Gromesnil sur une ferme et héritage apartenant à la succession dud(it) Sr Lemercier père et où il est décédé pour procéder à l’inventaire... » . Parmi les papiers inventoriés, un acte attire particulièrement notre attention : il s’agit d’un bail daté du 27 décembre 1730 « fait par Charles Michel Baillard escuier Seig(neu)r Ducourand aud(it) feu Sr Le Mercier d’une ferme et terre assis aud(it) St Romain de Collebosc... » . La ferme dont il s’agit est la ferme du Haumard  (voir « B6. Ferme du Haumare »). Il semble donc que Charles Alexis, propriétaire de la ferme Debray, était le fermier de la ferme du Haumare. Il devait vraisemblablement exploiter les deux fermes tout en habitant sa propriété « ferme Debray » où sont nés ses enfants.

    Après le décès de Charles Alexis, la propriété passe dans les mains de Charles François son fils aîné, né à Gromesnil en 1724 . Sa mère, Barbe Protais, épouse de Charles Alexis, meurt en 1758. L’inventaire après son décès, dressé le 24 février 1758 [5],  nous apprend qu’elle habitait toujours la masure alors que le fils aîné, héritier, habitait dans la paroisse voisine : « ... de la réquisition du Sr Charles Lemercier Marchand laboureur demeurant en la p(aroi)sse de St Aubin des Cercueils fils ainé du feu Sr Charles Alexis Lemercier ... sommes exprest transportés en lad(itte) p(aroi)sse de Grosménil en la ferme maison demeure et dernier domicille de lad(ite) feue v(euv)e Lemercier appartenante à la succession dud(it) feu Sr Lemercier de la continence de vingt quatre acres de terre ou environ tant en masure que labour,... ». Remarquons que les 24 acres représentent environ 13 hectares, ce qui correspond environ à la superficie actuelle de la ferme. Notons aussi que la veuve Lemercier, qui n’était pas propriétaire (la coutume de Normandie n’accordait guère de place aux femmes !) continuait sans doute à exploiter la ferme sur laquelle elle demeurait.

    En 1760 meurt Charles Lemercier fils ; il n’a que 36 ans. L’inventaire après décès rédigé le 7 avril 1760 va encore nous surprendre [6]: « Nous, Jean Bte Adrien Durécu nottaire du Roy ...soussigné sommes transportés en lad(ite) p(aroi)sse de St Aubin des Cercueils en la maison et auberge où pend pour enseigne La Botte, où était demeurant le Sieur Charles Lemercier marchand aubergiste aud(it) lieu... ». Ainsi, ce Charles Lemercier était bien propriétaire du domaine, mais il ne l’exploitait pas, préférant exercer la profession d’aubergiste à « La Botte » (qui se trouvait à cette époque sur le territoire de St Aubin alors que cet immeuble est maintenant sur la commune d’Epretot )

    L’inventaire des papiers mentionne divers actes dont un contrat du 20.09.1735 par lequel le Sr Jean Fleury « a fait remise aud(it) Charles Lemercier d’une pièce de terre contenante cinq acres assise en la p(aroi)sse de Grosménil » suivant un droit de réméré, et le contrat de vente de cette pièce de terre daté du  six mars 1734

    Après la mort de Charles, survenue le 7 avril 1760,  le domaine revient en indivis aux deux enfants de Charles, filles mineures nées en 1757 et 1760. Le 14 mai 1788, elles louent la ferme à François Caron pour une durée de 6 ans.

    L’aînée des héritières, Anne Dorothée, épousera  le 4 avril 1791 Jacques François Delahalle, pharmacien à St Romain. La cadette, Marie Anne Victoire, mourra le 24 avril 1816. Mais trois jours avant son décès, elle avait vendu à son beau-frère Jacques François Delahalle sa moitié indivise [7]. L’acte de vente désigne la ferme comme « contenant environ douze hectares et demi équivalents à vingt deux acres ancienne mesure » .

  L’intégralité du domaine, alors  exploité par Pierre François Bailhache, appartient donc maintenant à Jacques François Delahalle.

    Jacques François Delahalle meurt le 24 avril 1841 et sa veuve Anne Dorothée le 19 novembre 1842. Ils laissent pour héritiers, chacun pour un tiers, leurs trois enfants qui sont Marie Désirée épouse d’Antoine Langlois, Louise Victorine Delahalle et François Alexandre Delahalle lui aussi pharmacien qui a succédé à son père. Une liquidation partage sera effectuée le 27 juin 1843 [8]: Victoire Désirée abandonnera sa part dans ce domaine lequel sera alors attribué en indivis à la demoiselle Louise Victorine et à son frère François Alexandre.

    Louise Victorine meurt le 17 mars 1850 laissant pour héritiers, chacun pour moitié,  Madame Langlois sa sœur et François Alexandre son frère. Le 28 mars 1851 [9], un partage effectué à l’amiable  entre les deux héritiers attribuera la ferme à François Alexandre Delahalle.

    François Alexandre est maintenant seul propriétaire. Le 27 mai 1851, il accorde l’usufruit de tous ses biens à Ambroisine Ledain son épouse [10]  et il meurt le 18 août 1853.

    Victoire Désirée , sa sœur, est unique héritière. Elle va posséder la ferme pendant dix ans. Le 9 juillet 1862, la commune lui vendra une parcelle de 820 m² provenant de l’aliénation du chemin n° 55. A son décès survenu le 15 août 1863, le domaine passe aux mains de sa fille Marie Stéphanie, son unique héritière.

    Longue période de stabilité.

    Marie Stéphanie va agrandir légèrement sa propriété par deux acquisitions : le 22 août 1885, elle achète à la commune une petite parcelle de 180 m² provenant de l’aliénation d’une partie du chemin vicinal n° 1 ; et le 8 mars  1887 [11], elle achète 425 m² à M. de la Boutresse.

             Marie Stéphanie meurt le 18 avril 1901 et c’est Victor Georges Roussel, clerc de notaire à Yvetot, qui va devenir propriétaire : Marie Stéphanie, par son testament olographe rédigé le 22 novembre 1897, l’avait en effet désigné comme son légataire universel

    Le 18 octobre 1918, par acte sous signature privée, M. Roussel loue la ferme à Prosper Debray (qui en était déjà l’exploitant) pour 9 années commençant au 29 septembre 1920, bail qui sera prorogé de 3 mois. Ce bail précise que M. Debray ne sera pas obligé d’habiter sur la ferme. Il l’avait pourtant habitée comme en témoignent quelques graffiti qui « ornent » la somptueuse cheminée de la maison. Mais alors, qui habita ensuite cette belle maison ? Elle sera la demeure de Daniel Leroux et de sa grande famille au moins de 1936 à 1960. Mais avant ?

    Le 2 juin 1928 [12], Victor Georges Léon Roussel et Juliette Anna Letellier son épouse vont procéder à la vente par adjudication de cette ferme. Le cahier des charges prévoit 4 lots qui vont être adjugés le même jour.

           Le 15 mars 1965 [13], les consorts Dubuc vendent à Yves Guillard et son épouse la maison de maître de la ferme et une portion de terrain près de la maison, le tout faisant partie d’un ensemble plus important  loué à Robert Tocque cultivateur suivant bail par acte sous signature privée des 18 avril et 10 juin 1960 pour 9 années commençant le 29.12.1959. Les acquéreurs devront respecter la jouissance du fermier jusqu’en décembre 1968.

Propriétaires successifs :

Exploitants successifs :

très peu d’informations sur les fermiers de cette ferme hormis qu’elle fut longtemps exploitée par la famille Debray